Quelques notices à propos d’Emile Lempereur
Ces notices sur l’écrivain wallon de
Châtelet (1909) ont été rédigées, mais non publiées, pour Lettres
françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, Paris, Duculot, 1988-1994.
Attention, le contenu de ces textes représente la situation au moment de la redaction.
Emile LEMPEREUR, Du renouvellement des
sources d'inspiration dans la poésie wallonne (Rapport présenté au
Congrès de littérature et d'art dramatique wallons de Charleroi), Charleroi,
imp. Ed. Collins, [décembre] 1933, 17 p.
Ce mince rapport présenté par Emile Lempereur au Congrès de littérature et
d'art dramatique wallons de Charleroi (décembre 1933) n'est pas une pure
énumération descriptive des sources d'inspiration intérieures ou extérieures
de la poésie wallonne. En effet, dans le principal chapitre de l'oeuvre (De
la nécessité d'une mise au point, d'un redressement, d'une construction),
après avoir admis que la génération de poètes qui l'a précédé a éveillé
le sentiment wallon et a réhabilité la langue en y introduisant folklore et
connaissance des moeurs, l'auteur défini les problèmes que rencontrent en 1933
la poésie et la littérature wallonne. Il stigmatise l'excès de préoccupation
de la forme au détriment de la sensation et des sentiments, l'imitation servile
des « éveilleurs d'âmes » (générations précédentes) par
certains auteurs wallons, l'absence d'intérêt du poète pour le présent et
« l'angoisse du temps », le statisme et faible instinct combatif
d'une littérature dialectale trop défensive, l'indifférence des dirigeants,
égoïsme régional, l'isolement littéraire de la Wallonie et la
« stagnation en Europe de l'esprit littéraire dialectal d'essence latine
face à l'esprit national » son concurrent direct. Pour Emile Lempereur la
solution est dans le compromis entre les ressources de la tradition et le
renouvellement apporté par la réalité du présent. La seule chance pour le
poète de rester Wallon est de développer la confiance en ses dons, d'innover
sans détruire l'oeuvre créée. Cet essai (dédié « à tous les jeunes
wallon ») est très important pour comprendre l'oeuvre postérieure
d'Emile Lempereur car il exprime, 20 ans avant toute aspiration politique
wallonne, les espérances d'un jeune auteur qui cherche à donner un nouveau
départ à la littérature wallonne, en tentant de concilier sa volonté
rénovatrice à son refus de rompre avec ses pères littéraires. D'autre part,
déjà en 1933, il stigmatise le manque d'ardeur des littérateurs wallons pour
contrebalancer l'influence de la « littérature belge » ou flamande
(forte de mouvements littéraires tels que le catholique « Vlaamsche
arbeid »).
Emile LEMPEREUR, Regards sur la jeune littérature wallonne, Bruxelles,
G. Van Campenhaut, 1937 (Collection bibliothèque d'études régionales), p.
197-205.
L’essai Regard sur la jeune littérature wallonne (Bruxelles, G. Van
Campenhaut, 1937) prolonge et précise le rapport Du renouvellement des
sources d'inspiration dans la poésie wallonne présenté par Emile
Lempereur au Congrès de littérature et d'art dramatique wallon de Charleroi
(1933). Ce rapport n'était que la cristallisation d'une tendance nouvelle chez
certains écrivains wallons. Ici, quatre ans après le Congrès, triomphent ses
idées rénovatrices décantées. Il détermine les deux problèmes rencontrés
par un jeune auteur wallon : d'abord, si la littérature nationale doit
constamment évoluer, une littérature dialectale doit concilier la tradition
avec l'indispensable évolution, ensuite, seule la fusion entre « qualité
générale de l'individu » et appartenance à SA culture peut amener
l'artiste à se réaliser pleinement. En fait Regard sur la jeune
littérature wallonne est un manifeste en faveur de l'Action littéraire
interprovinciale wallonne dont l'auteur est le secrétaire. L'association
créée à Liège en octobre 1934, accueille les acteur de la
« rénovation en poésie dialectale » comme Gabrielle Bernard
(1893-1963, poétesse Moustiéroise), Willy Bal (1916, de Jamioulx), Louis
Lecomte (1900-1977, de Châtelineau) et Fernand Stévart (secrétaire de l'Union
des fédérations littéraires et dramatiques wallonnes). Emile Lempereur va
également décrire dans cet ouvrage (p. 202), les objectifs de cette
association d'auteurs : interpénétration plus effective des mouvements
littéraires wallons, action d'ensemble en vue d'une plus large diffusion des
oeuvres, développement d'un mouvement « plus humain que
littéraire » d'une littérature plus universelle mêlée intimement à la
« vie actuelle », rapprochement avec les autres littératures
dialectales d'essence latine. Enfin, il regrette que la Wallonie n'ait pas
encore réussi (en 1936) à se créer une tradition savante et littéraire
propre, bien que les dialectes wallons aient donné naissance à une
littérature écrite riche comparable aux littératures provençale ou bretonne.
Il fait sienne l'idée de l'écrivain carolorégien Elie Baussart (1887-1965,
fondateur de Terre wallonne), que la culture wallonne est plus
« sentie » qu'historiquement définie.
Emile LEMPEREUR, Les écrivains du canton de Châtelet, Charleroi, Pierre
Héraly, 10 juin 1943, 61 p.
Les écrivains du canton de Châtelet
(Charleroi, Pierre Héraly, 10 juin 1943) est scindé en deux parties totalement
différentes : un très utile dictionnaire biographique auquel est joint un
choix de textes et un essai qui retrace sommairement l'histoire culturelle,
littéraire et artistique de la ville. Emile Lempereur (caricaturé p. 3) tente
d'y découvrir comment une « petite ville de province » a pu, sans
être un puissant foyer de culture, voir naître et se développer un riche
mouvement artistique. Il y répond en « intellectuel curieux » et en
« régionaliste fervent ». Mais le contexte historique dans lequel
est rédigé cet essai est essentiel. En pleine occupation allemande (texte
daté de juin 1941-août 1942, bien que publié en 1943), l’auteur rapatrié
en juin 1941 du stalag 2c écrit, comme dans ses oeuvres d'avant-guerre
« en humble hommage à la pensée romane » et essaie de
participer à l'éveil de la conscience wallonne. Il réalisera ces projets dans
la mesure de ses moyens en créant avec E. Wartique l'Aide aux écrivains
wallons et avec Maurice Bologne la Section culturelle du Conseil économique
clandestin de l'ouest wallon (1943) qui deviendra la section carolorégienne de
l'Association pour le progrès intellectuel et artistique de Wallonie (APIAW).